Statistique Canada a publié les résultats de l’Enquête sur la population active pour le mois de mai. Après des pertes cumulatives de 3 millions d’emploi depuis le début de l’éclosion de COVID-19, l’emploi a connu un rebond de 1,8 % en mai. Toutefois, si la majorité des industries ont profité de ce début de reprise, le secteur de la culture continue d’accuser de nouvelles pertes.
En mars et en avril, les industries de l’information, de la culture et des loisirs avaient connu les plus importantes pertes d’emploi, après le secteur de l’hébergement et de la restauration. En mai, l’emploi a rebondit de 6,8 % dans l’hébergement et de la restauration. À l’inverse, il a reculé d’un autre 1,1 % dans l’information, la culture et les loisirs.
Entre février et mai 2020, 192 300 travailleurs des industries de l’information, de la culture et des loisirs ont perdu leur emploi. L’emploi dans la culture a périclité de 778 700 à 586 400 emplois : une chute de 24,7 %.
Statistique Canada a aussi rendu publiques des données sur le nombre d’heures travaillées. De telles données sont utiles car elles rendent compte de l’impact de la crise tant pour les travailleurs salariés que pour les travailleurs autonomes. Le nombre total d’heures travaillées dans l’information, la culture et les loisirs a légèrement augmenté, de 0,6 %, en mai. Cependant, par rapport à février, la perte totale d’heures travaillées se chiffre toujours à 37,1 %.
La tragédie invisible du secteur du spectacle
Ces statistique, si tragiques soient-elles, faillissent pourtant à dépeindre l’inimaginable épreuve à laquelle sont confrontés les travailleurs dans les arts de la scène et dans le secteur des festivals.
Les statistiques pour l’industrie « information, culture et loisirs » amalgament en fait des données provenant de deux catégories d’industries :
- « arts, spectacles et loisirs » (qui regroupent notamment les arts de la scène, les diffuseurs de spectacles et d’événements sportifs, les festivals, les agent et gérants d’artistes, ainsi que tous les artistes et artisans du spectacle); et,
- « informations et industries culturelles » (qui regroupent l’édition, le film, l’enregistrement sonore, les logiciels, la radiodiffusion et la télédiffusion, les télécommunications, l’information, ainsi que les bibliothèques et archives).
Il s’agit de deux catégories d’industries de nature et d’envergure différentes – et dans lesquelles les mesures de distanciation physique ont eu des incidences différentes. En effet, selon l’Enquête canadienne sur la situation des entreprises, le secteur des arts, des spectacles et des loisirs figure parmi les secteurs les plus profondément affectés par la crise, tout indicateur confondu. La situation dramatique vécue dans le secteur des arts, des spectacles et des loisirs se trouve donc sans doute obscurcie par l’amalgame de ses données avec des industries de plus grande envergure. Le domaine du spectacle vivant, qui représente le gros des emplois des arts, des spectacles et des loisirs, ne compte après tout que pour 10% de tous les emplois de la culture selon le Compte satellite de la culture (70 000 emplois sur 666 000 en 2017). À la lumière de ces précisions, il convient de se demander quelle proportion des 6,600 emplois information/culture/loisirs perdus au mois de mai seraient, en réalité, des emplois du secteur du spectacle.
Une série de données désagrégées consacrée spécifiquement aux arts, au spectacle et au loisirs brosserait immanquablement un portrait encore plus sombre au chapitre des pertes d’emploi et de la chute du nombre d’heures travaillées.
Le secteur du spectacle a été l’un des premiers à devoir fermer ses portes et il sera parmi les derniers à recevoir l’autorisation de les réouvrir. C’est de surcroît un secteur dans lequel la reprise sera particulièrement longue. Plusieurs consommateurs culturels affirment qu’ils pourraient attendre jusqu’à 5 mois avant de retourner à des événements intérieurs, même lorsque ceux-ci seront à nouveau autorisés. Est-ce que les mesures d’aide d’urgence des gouvernements seront prolongées jusque là? Ou si les artistes et artisans du spectacle ne seront pas les victimes collatérales invisibles de la pandémie?