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Le visa de visiteur : des solutions simples pour un gros casse-tête

Artistes en formation groupée équipés d'armes faites de tubes de caoutchouc.
Le Laboratoire Poison, de l’artiste belge Adeline Rosenstein, faisait partie de la Programmation 2022 du Festival TransAmériques. Mention de source : Vincent Arbelet. (via: fta.ca)

Avec la reprise des tournées internationales revient aussi le problème persistant de retards avec les visas de visiteurs. Il ne faudrait cependant pas y voir une fatalité. Plusieurs solutions potentielles ont d’ailleurs été récemment répertoriées lors d’une rencontre en ligne organisée par CAPACOA.

L’événement Visas de visiteurs et artistes internationaux – L’enjeu des délais (et les façons de le mitiger) s’est tenu le 11 novembre dans le cadre de CINARS et en amont de MUNDIAL Montréal, deux événements ayant pour but de favoriser les tournées internationales des artistes. La rencontre, animée par Clothilde Cardinal, David Lavoie et Frédéric Julien, a rassemblé 42 intervenants du secteur des spectacles, toutes et tous préoccupés par cette entrave à la mobilité des artistes. 

Cet enjeu n’est pas nouveau. Il s’est aggravé avec le déploiement, en 2018, d’un réseau de centres de réception des demandes de visa sous-traité à l’entreprise privée VF Worldwide Holdings par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), ainsi que de l’entrée en vigueur d’exigences de données biométriques. Si au départ, le problème se manifestait surtout par des demandes refusées, il prend aujourd’hui principalement la forme de délais de traitement pouvant aller jusqu’à cinq mois. Dans le cadre de son édition 2019, le Festival TransAmériques rapporte avoir consacré 350 heures de travail afin de réussir in extremis à sauver cinq spectacles de l’annulation en raison de problèmes de visas. Cela aurait pu occasionner au festival des pertes de billetterie de l’ordre de 150 000 dollars, en plus des coûts des spectacles, selon le directeur général, David Lavoie.

Les causes de ces soucis peuvent être multiples :

  • Parfois, les problèmes sont liés à des dépôts tardifs de l’artiste invité. Cela peut sembler facile à éviter, mais il arrive occasionnellement qu’un artiste doive être remplacé et que cela entraîne une demande tardive de visa.
  • Le problème des retards engendre lui-même des retards… En raison du caractère urgent de certaines demandes, les dossiers sont traités en fonction de la date de voyage des artistes. Même s’il est déposé longtemps à l’avance, un dossier peut quand même être traité tardivement. Cela laisse ensuite peu de temps de réaction dans l’éventualité où une demande est jugée incomplète, puis retournée au demandeur.
  • La collecte des données biométriques est à la fois dépendante de la demande de visa et à pré-requis à celui-ci. Il faut d’abord déposer une demande de visa avant de pouvoir se présenter dans un centre de saisie de données biométriques. En même temps, le traitement de la demande ne peut commencer qu’après cette même saisie. Si cela n’est pas un problème pour l’artiste qui a la chance d’avoir un site de collecte de données biométriques dans sa ville de résidence, il en est tout autrement pour l’artiste qui doit se déplacer dans une autre ville ou même hors de son pays afin de se rendre dans un site de collecte.
  • Une fois la demande approuvée, la vignette de visa doit être physiquement apposée dans le passeport du demandeur. Cela exige l’envoi puis le retour du passeport par la poste, ce qui implique des délais de plusieurs jours, voire de plus d’une semaine, au cours duquel l’artiste est dépossédé de son passeport et ne peut donc plus voyager
  • Enfin, les artistes sont susceptibles de faire l’objet de refus systémiques. En effet, les critères d’attribution des visas s’appuient notamment sur la « situation actuelle en matière d’emploi » du demandeur. Cela peut désavantager les artistes qui sont souvent des travailleurs autonomes.

Certaines solutions s’imposent.

Recommandations pour les organisateurs de spectacles

Tout d’abord, il est ressorti de la discussion que certains organisateurs de spectacles ne connaissaient toujours pas l’unité des événements spéciaux. Pourtant, ce service a été mis en place par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada dès 2019. Aussi, les animateurs de la rencontre ont formulé les recommandations suivantes à l’endroit des organismes qui accueillent des artistes de l’étranger :

  1. Le plus tôt possible – au strict minimum six mois avant la date du spectacleinscrivez votre événement auprès de l’équipe des événements spéciaux. Dans le cas d’une tournée, l’inscription est normalement faite par l’organisme qui présente la première représentation au Canada.
  2. Lorsque l’unité des Événements spéciaux vous aura assigné un numéro de dossier, soumettez aux artistes une lettre d’invitation sur laquelle figurera votre numéro de dossier. L’unité des Événements spéciaux peut examiner votre lettre d’invitation pour s’assurer qu’elle contient tous les renseignements requis. Voici à titre d’exemple le modèle de lettre employé par le Festival TransAmériques.
  3. Accompagnez les artistes dans le dépôt des demandes de visa, tout en considérant les délais de traitement affichés sur le portail canadien. Veillez à les informer de la marche à suivre et des documents requis, en plus de tenir à jour le tableau de suivi fourni par l’unité des Événements spéciaux.
  4. Si les artistes (et les membres de leur équipe de tournée) n’ont toujours pas obtenu de réponse plus d’un mois après le dépôt de leur demande, faites un premier suivi auprès de l’unité des Événements spéciaux.
  5. Si les artistes n’ont toujours pas obtenu leurs visas dix semaines avant la tenue du spectacle ou si l’un des artistes voit sa demande refusée, assurez un suivi votre dossier avec un appui des instances politiques, afin que son traitement soit priorisé ou pour résoudre le problème, le cas échéant :
    1. Contactez votre agent de programme de Patrimoine canadien et demandez-lui son aide pour être mis en relation avec un conseiller politique au bureau du ministre du Patrimoine canadien. Vous pouvez aussi informer le député de votre circonscription de la situation et solliciter son appui.
    2. De là, demandez l’aide du conseiller politique pour intervenir auprès d’un homologue au bureau du ministre de l’IRCC.
    3. Les conseillers politiques ne pourront pas intervenir directement sur le traitement des visas ou sur une décision négative. Ils pourront cependant informer les fonctionnaires d’IRCC que vous êtes un organisme de diffusion crédible,  sur la base notamment du soutien financier que vous octroie le ministère du Patrimoine canadien (ou l’une de ses agences), et faire valoir que vos événements pourraient être entièrement annulés si les artistes ne recevaient pas leurs visas à temps.

Des pistes pour des résoudre le problème à la source

La discussion a aussi fait émerger certaines pistes de solution pour améliorer l’accompagnement et le traitement des demandes du côté d’IRCC et des centres de réception des demandes de visas.

  • Promouvoir les services de l’unité des Événements spéciaux et doter ce services de davantage de ressources, notamment pour accroître la qualité des services en français et faire en sorte qu’il soit possible de les appeler lorsque l’urgence d’une situation l’exige.
  • Établir des critères adaptés à la condition des artistes et des organisateurs de spectacles qui les présentent.
    • IRCC devrait en premier lieu reconnaître l’importance de la présentation d’artistes étrangers au Canada dans une perspective d’échanges culturels réciproques et compte tenu des retombées économiques qu’engendrent les festivals et les autres diffuseurs de spectacles d’envergure internationale. « Les arts et la culture sont des atouts de notre politique étrangère, » affirmait le 

Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international dans son rapport de 2019 sur la diplomatie culturelle.

  • IRCC devrait revoir l’interprétation de ses critères lorsque le demandeur vient au Canada pour exercer son métier d’artiste. Au Canada comme à l’étranger, les artistes, même ceux de renommée internationale, ont malheureusement des conditions de travail précaires. Il ne faudrait pas que ces conditions, que l’on pourrait qualifier de systémiques, ne les empêchent en plus d’exercer leur métier.
  • IRCC devrait d’emblée tenir compte du soutien financier consenti par le gouvernement fédéral pour la présentation d’un spectacle. Un diffuseur de spectacle soutenu par un programme du ministère du Patrimoine canadien ou du Conseil des arts du Canada devrait être considéré comme un organisateur d’événements reconnu et cela devrait être intégré aux critères d’évaluation des demandes de visa.
  • L’approche française avec le Passeport Talents constitue un modèle à explorer et à adapter aux besoins et aux contextes d’invitation des organismes canadiens .
  • Considérer des changements pour minimiser, voire éliminer, les déplacements interurbains de la part du demandeur et/ou l’envoi postal de documents, particulièrement le passeport. 
    • Permettre aux demandeurs de réaliser la saisie de données biométriques en amont du dépôt de leur demande de visa.
    • Mettre en place un processus de visa sans vignette pour les demandeurs de pays où il n’y a pas de centre de réception des demandes de visa. Ce processus pourrait s’inspirer du visa sans vignette pour les ressortissants ukrainiens.

CAPACOA est résolue à soutenir ses membres et à lancer un dialogue avec le ministère du Patrimoine canadien et d’IRCC pour réduire cet obstacle à la mobilité que représente actuellement le processus de demande de visa.

Nous encourageons les membres de CAPACOA qui éprouvent des difficultés avec un accueil d’un artiste étranger à contacter un membre de l’équipe. À défaut de pouvoir intervenir en votre nom, nous pourrons à tout le moins surveiller grâce à vous l’état de la situation.

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Written by Frédéric Julien
Frédéric Julien dirige les activités de recherche et développement l’Association canadienne des organismes artistiques (CAPACOA) depuis 2010. À ce titre il a dirigé ou publié des recherches sur des sujets tels « L’importance de la diffusion », « Signes vitaux : Arts et appartenance » et « La numérisation des arts du spectacle », ainsi que plusieurs analyses de données statistiques. Frédéric dirige en outre l'initiative Un avenir numérique lié, qui favorise la découvrabilité des arts de la scène.

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