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Mais où donc se trouve le mot arts ?

17 octobre, 2016 – Michele Decottignies, pour la Deaf, Disability & Mad Arts Alliance of Canada et conférencière pour CAPACOA @ CINARS pose la question: “Comment se fait-il que le mot arts soit si peu visible quand on fait une recherche sur les arts des personnes handicapées dans la plus vaste base de données au monde ?

Si vous faites une recherche sur les arts des personnes handicapées dans Internet, voici ce que vous obtiendrez le plus souvent :

Where is the art

 

Notez qu’on discerne à peine l’élément le plus important de la recherche.

Mais où donc se trouve le mot arts ?

Comment se fait-il que le mot arts soit si peu visible quand on fait une recherche sur les arts des personnes handicapées dans la plus vaste base de données au monde ?

Pourquoi les arts des personnes handicapées sont si difficiles à repérer dans l’écosystème des arts professionnels, et ce même après une période de 45 ans de production artistique intense et variée au Canada, et en présence de nombreux artistes de grand talent comme Jeff Healy, Jane Cameron, Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha, Laurence Brunelle-Côté, Tiphaine Girrault-Bath, Lyle Victor Albert, Onyii Udegbe et bien d’autres encore ?

Pourquoi ? Parce que les personnes handicapées sont le plus souvent perçues, à tort et inconsciemment, comme des personnes moins capables et moins belles.  C’est-à-dire moins capables et moins belles que les personnes normales.

Évidemment, vous ne trouverez pas de collection d’oeuvres d’art de personnes handicapées.  En tout cas, pas dans l’écosystème des arts professionnels qui idolâtre la notion eurocentrique de ce qui constitue ou non une expérience esthétiquement agréable dans la culture populaire.

Soyons clairs d’entrée de jeu :  à l’heure actuelle, il n’y a pas de ghetto plus implacable pour les artistes handicapés que celui où nous confine une culture populaire de masse qui continue à nous dénigrer.  Même sans le savoir.

Dans la culture populaire, le représentation des personnes handicapées se décline selon trois modes seulement [1] :

 

  1. Le mode victime :  Selon ce mode de représentation, nous sommes la cibled’afflictions tragiques qui nous accablent et accablent la société.  Nous devenons ainsi de simples objets d’apitoiement et de commisération. [2]
  2. Le mode héros :  Le revers de la représentation en victime veut qu’on soit des héros.  Le héros doit prouver sa valeur en surmontant son handicap.  Or, suivant cette représentation, nous devenons ce que nous appelons des superinfirmes passés maîtres dans l’art de l’inspiration! [3]
  3. Le mode méchant :  Le troisième mode de représentation stéréotypée est celui du méchant.  Depuis toujours, les déficiences sont employées comme figures du mal ou de la turpitude.  Évidemment, selon ce mode de représentation, nous serions un groupe de violents dont le reste de la société doit se protéger. [4]

 

Est-ce qu’on a le choix, là là?

Même si de grand progrès ont été réalisés ces cinquante dernières années depuis l’époque des téléthons de Jerry Lewis en faveur des misérables loques humaines, les artistes handicapés restent limités dans les possibilités qu’ils ont de contribuer au canon culturel canadien.  Ils n’ont véritablement que trois choix :

 

  1. L’art de l’objectification, selon lequel le handicap est considéré comme objet de merveille et de fascination.
  2. L’art de la bienveillance, selon lequel la personne handicapée est incluse dans les arts pour en aider d’autres à s’améliorer.  Mais nous ne sommes pas des personnes brisées et nous n’avons pas besoin d’être réparées. [5]
  3. L’art de l’auto-détermination, selon lequel les artistes professionnels qui sont handicapés possèdent une pleine autorité artistique sur la représentation esthétique de ce qu’on appelle les arts des personnes handicapées.

Il n’est donc pas étonnant que la plupart des artistes professionnels ayant un handicap au Canada choisissent de marcher, de rouler, de ramper, de murmurer, de crier, de peindre, d’écrire et de danser selon ce dernier choix.

Vous serez ébloui-e.

Non pas par ce que les artistes handicapés appellent la fumisterie indécente du prêt-à-inspirer [6].

Non.

Vous en aurez le souffle coupé ! Et nous allons vous montrer des exemples d’excellence dans les arts des personnes handicapées.  Il s’agit d’une collection d’oeuvres d’art professionnel qui…

 

  1. fait du handicap la source première d’innovation et d’appréciation esthétique,
  2. fait de l’artiste handicapé la source même de la diversité et, partant, de l’enrichissement artistique, et
  3. fait du handicap en soi une forme de vie désirable.

 

Bref, nous replaçons le mot art dans l’expression arts des personnes handicapées.

Pour que vous sachiez quoi chercher la prochaine fois.

 

Michele Decottignies, pour la Deaf, Disability & Mad Arts Alliance of Canada

 

—–

[1] Ces concepts sont extraits du site http://habilomedias.ca/diversite-medias/personnes-handicapees/representations-courantes-personnes-handicapees.

 

[2] On retrouve dans la pièce de Brian Clarke intitulée Whose Life Is It Anyway? un exemple typique de cette attitude par rapport au handicap.

 

[3]  Une critique de ce genre d’attitude se trouve à la page http://www.cbc.ca/archives/entry/is-rick-hansen-man-in-motion-tour-doing-more-harm-than-good.

 

[4] Cette attitude s’est enracinée dans l’inconscient collectif avec le premier film d’horreur, The Cabinet of Dr. Caligari, produit en 1929.

 

[5] L’idée est empruntée auprès de spécialistes et d’écrivains du monde des droits et des arts des personnes handicapées. Voici encore quelques suggestions de lecture (en anglais seulement) :

Please Stop Trying to ‘Fix’ My Disability

https://www.change.org/p/stop-the-cure-for-autism

 

[6] Pour plus d’information sur ce concept, veuillez vous reporter à l’article suivant au sujet d’un de nos collaborateurs au Royaume-Uni, qui est en vedette dans le American Horror Story :

http://www.avclub.com/article/american-horror-storys-mat-fraser-wont-star-your-i-211688

 

 

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