Statistique Canada a publié les données de l’Enquête sur la population active pour juin 2020. On y observe une reprise rapide de l’emploi dans la plupart des industries. Cependant, les secteur des arts continue de figurer au haut (ou au creux, c’est selon) du triste palmarès des pertes d’emploi.
Voici ce que rapporte l’analyse de Statistique Canada :
« Le secteur de l’information, de la culture et des loisirs a été touché par certaines des premières restrictions en matière de santé publique en raison des limitations de la taille des rassemblements, et l’ensemble des provinces a continué de limiter le nombre de personnes pouvant se rassembler en public en juin. Bien qu’une hausse notable de l’emploi ait été observée en juin (+60 000), l’emploi dans ce secteur a atteint 83,1 % de son niveau observé avant la COVID-19, ce qui représente la deuxième plus faible proportion dans l’ensemble des secteurs. »
Statistique Canada, Enquête sur la population active, juin 2020.
S’y retrouver dans le méli-mélo des statistiques sur l’emploi
Qu’entend-on exactement par « secteur de l’information, de la culture et des loisirs »?
Il s’agit d’un regroupement de deux classifications d’industries. Les statistiques pour l’industrie « information, culture et loisirs » amalgament les données provenant de ces industries:
- « informations et industries culturelles » (qui regroupent l’édition, le film, l’enregistrement sonore, les logiciels, la radiodiffusion et la télédiffusion, les télécommunications, l’information, ainsi que les bibliothèques et archives [classification SCIAN 51]); et,
- « arts, spectacles et loisirs » (qui regroupent notamment les arts de la scène, les diffuseurs de spectacles et d’événements sportifs, les musées ainsi que les jeux de hasard et les loteries [classification SCIAN 71]).
Ces industries de produits et de services exigent différents degrés de proximité physique entre les travailleurs et avec le public. Aussi, elles ont vécu l’impact de l’éclosion de COVID de bien différentes façons – et l’Enquête sur la population active (EPA) ne rend pas compte de ces différences.
La somme des parties… cache des réalités contrastées
Au mois d’avril, l’Enquête canadienne sur la situation des entreprises révélait que l’industrie des arts, des spectacles et du loisirs figurait parmi les industries les plus affectées par la crise de la COVID et ce au chapitre de chacun des indicateurs de l’enquête. Une autre publication de Statistique Canada parue à la fin du mois de juin a jeté un éclairage supplémentaire sur l’impact disproportionné occasionné par la COVID-19 dans l’industrie arts, spectacles et loisirs.
L’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH) dresse un portrait mensuel à partir des retenues salariales et d’autres données fournies par les employeurs. L’édition du mois d’avril de l’EERH rapportait ceci :
« Le secteur des arts, des spectacles et des loisirs a été lourdement touché par les pertes d’emploi, celles-ci atteignant 141 700 (-45,0 %) de février à avril. Ce recul est en grande partie attribuable aux pertes d’emplois observées dans le sous-secteur du divertissement, des loisirs, des jeux de hasard et des loteries (-111 400 ou -50,2 %). Une forte baisse a aussi été observée dans les industries des arts d’interprétation, des sports-spectacles et des activités connexes (-25 300 ou -39,5 %). »
Statistique Canada, Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail, juin 2020.
En comparaison à la chute de 45,0 % pour le secteur des arts, des spectacles et des loisirs, la baisse de l’emploi pour les informations et des industries culturelles se chiffrait plutôt à 8,5 %.
Le graphique qui suit superpose les données désagrégées de l’EERH et les données agrégées de l’EPA. On peut y observer un contraste marqué entre la chute prononcée de l’emploi dans les données de l’EERH pour l’industrie « arts, spectacles et loisirs » et la courbe aplanie dans les données de l’EPA pour « informations et industries culturelles ».
Les travailleurs autonomes oubliés
L’EERH apporte un degré de précision très utile. Par contre, elle ne porte que sur le personnel salarié. Elle n’inclut donc pas les très nombreux travailleurs et travailleuses autonomes du secteur du spectacle. Si les travailleurs autonomes étaient inclus dans les données de l’EERH (ou si les données du l’EPA étaient désagrégées), on observerait sans aucun doute une chute encore plus abrupte en avril.
Selon le recensement de 2016, 52 % des artistes travaillent à leur compte, comparativement à seulement 12 % de la population active canadienne. Et un tiers des artistes travaillent dans l’industrie « arts, spectacles et loisirs ».
Les artistes et autres travailleurs autonomes du secteur du spectacle ont été parmi les premiers à être affectés par les restrictions sanitaires et ils doivent en plus s’attendre à une reprise très lente. Selon le sondage J’ai perdu mon contrat, ils pourraient perdre en moyenne jusqu’à 25 200 $ en revenus autonomes d’ici la fin de l’année.
Au moment où le fédéral annonce une prolongation de la Subvention salariale d’urgence du Canada et que l’incertitude plane quant à l’avenir de la Prestation canadienne d’urgence, il y a lieu de se demander : comment le gouvernement peut-il apporter au soutien adapté au secteur du spectacle sans des données détaillées sur celui-ci?
Informations complémentaires
Voici un tableau comparant les caractériques de l’EPA et de l’EERH.
Enquête sur la population active | Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail |
Enquête auprès de la population. | Enquête auprès des employeurs. |
Inclut les travailleurs salariés, les travailleurs autonomes et les personnes sans emploi. | N’inclut que les travailleurs salariés. |
Menée à chaque mois et publiée en quelques semaines seulement. | Menée à chaque mois et publiée environ deux mois plus tard. |
Agrège les données des arts et celles des industries culturelles. | Fournit des données désagrégées. |
CAPACOA profite de cet article pour reconnaître le travail exceptionnel accompli par Statistique Canada. En dépit des contraintes occasionnées par la COVID, notre agence de statistiques a réussi à accélérer la collecte de données et la diffusion de renseignements relatifs aux effets de la COVID-19 sur les entreprises et les particuliers. Pour en savoir plus, visitez La COVID-19 sous l’angle des données.