Rédigé par Lila Galipeau
L’avenir des arts de la scène au Canada repose sur la nouvelle génération, la génération Z, ma génération. J’ai maintenant l’âge de voter, de travailler et d’acheter des billets pour voir des spectacles et assister à des festivals. Lors de la conférence CAPACOA 2023, j’ai participé à une table ronde avec d’autres membres de la génération Z afin de déterminer si les arts de la scène au Canada répondent aux attentes des Z et d’aider les dirigeants du secteur à en savoir plus sur l’engagement de ma génération à l’égard des arts et de la culture.
Émilie Bossard, analyste principale chez Nanos Research, a ouvert la session en partageant des statistiques clés sur la façon dont la génération Z s’intéresse aux arts de la scène. Cette spécialiste de ce domaine de recherche a participé à l’élaboration de l’enquête Arts Response Tracking Survey (ARTS), la principale source d’informations sur le monde des arts de la scène au Canada. Cette enquête a recueilli des données sur tout, du comportement des consommateurs au bénévolat, en passant par les habitudes de dons caritatifs. L’une de ses conclusions intéressantes est que les Z ont davantage tendance à préférer les divertissements sûrs et qu’ils sont plus enclins que les autres Canadiens et Canadiennes à rechercher des expériences d’apprentissage lorsqu’ils s’intéressent aux arts. Vous pouvez consultez sa présentation complète ici.
Après cette présentation informative, la modératrice de notre table ronde, Brit Johnston, une artiste Anishinaabekwe, productrice créative et activiste communautaire, a lancé la discussion entre moi-même et les quatre autres panélistes de la génération Z, Georges Robinson-Lepoutre, Clémentine Durand, Britt Rolston et Sara Bruton. Voici quelques-uns des principaux thèmes de cette discussion révélatrice.
5 observations au sujet de l’intérêt des Z pour les arts de la scène
Observation 1 : Les membres de la génération Z ont-ils beaucoup de temps libre?
En un mot, non. Lorsqu’on nous a demandé ce que nous faisions pour nous amuser, il est apparu que je n’étais pas la seule panéliste à avoir peu de temps à moi. Entre l’école, le travail et diverses activités parascolaires, trouver du temps pour soi et pour les arts de la scène est un défi pour les Z. Ce manque de temps libre nous fait graviter vers des scènes artistiques plus abordables et indépendantes, comme celles de Montréal, comme l’a fait remarquer Georges Robinson-Lepoutre. Notre engagement dans les arts, que ce soit par le biais d’organisations étudiantes ou de bénévolat, est souvent motivé par un mélange d’intérêt personnel et de questions pratiques.
Sara Bruton a souligné qu’elle aimait donner la priorité aux soins personnels et à la santé mentale dans le peu de temps libre dont elle dispose. Cela a mis en évidence la tendance de notre génération à prendre soin de nous-mêmes, car l’épuisement professionnel est un problème important pour les Z, comme l’a mentionné Britt Rolston.
Observation 2 : Quels types de spectacles les Z veulent-ils voir?
Un contenu innovant et des spectacles plus courts! Notre génération a soif d’innovation et d’authenticité dans les arts de la scène. Sara Bruton a souligné l’appréciation de notre génération pour des pièces plus créatives et plus courtes. Ce désir de spectacles plus courts correspond à la réduction de la durée d’attention de notre génération, causée par l’utilisation accrue des téléphones intelligents et des médias sociaux. Lorsque la modératrice a demandé si le stimulus rapide auquel nous sommes exposés sur les médias sociaux avait affecté notre durée d’attention, j’ai rapidement répondu « Absolument! »
Le désir d’un contenu adapté à notre génération qui remet en question les normes traditionnelles est revenu à plusieurs reprises. Britt Rolston a donné l’exemple de l’attrait des versions des pièces de Shakespeare du festival de Stratford comme la production Goblin:Macbeth ou celles où les rôles masculins sont joués par des femmes et vice versa. Ce ne sont là que quelques exemples de la manière dont les organisations des arts de la scène peuvent tirer parti de l’enthousiasme de notre génération pour de nouvelles interprétations d’œuvres classiques afin d’attirer de nouveaux publics tout en fidélisant leur clientèle habituelle.
Observation 3 : Les Z aiment-ils essayer de nouvelles choses?
Notre discussion a révélé que la génération Z aime vraiment explorer et essayer de nouvelles choses, même si nous sommes souvent scotchés à nos téléphones et aux médias sociaux. Les efforts de Georges Robinson-Lepoutre pour se concentrer sur des contenus de longue durée comme les films, malgré sa préférence pour les contenus rapides, en sont un exemple. De même, la pratique de Sara consistant à limiter le temps qu’elle passe sur les médias sociaux comme TikTok montre que nous ne nous contentons pas de ce qui est facile et familier sur nos fils d’actualité, mais que nous cherchons aussi des choses différentes et plus intéressantes à faire.
Plus tard dans la conversation, j’ai évoqué l’idée de « l’économie de l’attention », qui est une façon élégante de dire que les choses qui attirent notre attention sont les plus importantes de nos jours. Les Z vivent dans un monde où leur attention est une ressource très précieuse. Même si nous sommes habitués à un contenu rapide et accrocheur, nous commençons à rechercher des expériences plus engageantes que ce que les médias sociaux peuvent actuellement offrir. Malgré notre capacité d’attention limitée, notre volonté d’explorer et de nous engager dans le monde qui nous entoure, d’une manière qui n’est pas dictée par les médias sociaux, montre que notre génération est curieuse et ouverte à de nouvelles idées et activités, surtout lorsqu’il s’agit des arts de la scène.
Observation 4 : Combien les Z sont-ils prêts à dépenser?
Le coût est un facteur clé qui influence notre participation aux arts de la scène. Selon l’enquête, 11 % des membres de la génération Z n’achètent généralement des billets de spectacle que s’ils peuvent bénéficier d’une réduction. La plupart des membres de la table ronde, moi y compris, ont admis qu’ils n’assistaient que rarement à des spectacles, principalement pour des raisons financières. Disposant de peu de temps pour nous-mêmes, nous voulons nous assurer que l’activité qui nous intéresse mérite notre temps et notre argent.
J’ai affirmé qu’il serait bénéfique de montrer à l’avance au public potentiel autant de détails que possible sur un spectacle. L’inclusion de détails clés dans les publicités et le contenu sur les médias sociaux aide à convaincre le public potentiel de la génération Z que la participation à une activité en vaut la peine. Nous sommes plus enclins à investir dans des artistes connus ou des spectacles dont la valeur divertissante a été démontrée. Cependant, l’attrait des festivals, qui proposent plusieurs artistes et expériences pour un prix unique pendant une période spécifique, correspond étroitement à notre désir d’avoir du temps et des options de divertissement rentables.
Observation 5 : Comment les Z organisent-ils leurs sorties en groupe?
Pour la génération Z, l’aspect social de la participation à des événements artistiques est important. Pour moi, l’organisation de sorties en groupe commence généralement par la découverte d’un spectacle ou d’un événement sur les médias sociaux (soit une annonce, soit quelque chose que quelqu’un a publié à ce sujet dans son histoire), ce qui donne lieu à des discussions dans les clavardages de groupe pour évaluer l’intérêt des amis. Sara Bruton a mentionné que si elle ne trouve pas d’amis pour assister à des spectacles ou à des événements, elle se tourne vers des membres de sa famille (dans son cas, sa mère). Cette planification de groupe à l’aide d’un téléphone intelligent démontre que les organisations devraient investir pour faciliter l’achat de billets de groupe sur des appareils mobiles afin d’attirer la génération Z.
Engagement des Z dans les arts de la scène
Les observations recueillies lors de cette table ronde à la conférence de CAPACOA révèlent les façons uniques dont la génération Z s’intéresse aux arts de la scène. Que ce soit à cause de nos contraintes de temps, de nos considérations financières ou de la nécessité d’un contenu pertinent, il est clair que nous sommes en train de remodeler le paysage de la participation aux arts. Pour que la communauté des arts de la scène puisse prospérer avec le soutien de la génération Z, l’adaptation et l’innovation sont essentielles. Alors que nous continuons à laisser notre marque sur le monde, notre interaction avec les arts jouera sans aucun doute un rôle essentiel dans le façonnement du paysage culturel canadien. Il est temps de rendre les arts de la scène plus attrayants et plus accessibles pour cette génération.
La session « Êtes-vous fresh selon la génération Z? » était commanditée par Affaires / Arts.