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Fréquentation des arts : Où se trouvent les spectateurs?

12 mars 2018 – La population canadienne change. Sa démographie, bien sûr, mais aussi les comportements des Canadiennes et des Canadiens, notamment en ce qui a trait à l’accès au spectacle et à d’autres formes de divertissement. Dans ce contexte, il convient d’examiner les lieux de prédilection des Canadiens pour la fréquentation du spectacle.

Les taux de fréquentation se portent bien. Cependant, certaines données sont inquiétantes.
Auditoire applaudissant Michael Kaeshammer

Selon Les arts et le patrimoine : Sondage sur l’accès et la disponibilité, la fréquentation des arts de la scène se porte mieux que jamais. En 2016-2017, 87 % des Canadiens ont assisté à un spectacle ou à un événement artistique (incluant notamment des foires d’artisanat et des expositions d’arts visuels). Qui plus est, l’assistance globale est élevée (80 % et plus) dans toutes les régions et dans tous les segments de la population canadienne, à l’exception des personnes dont le statut socioéconomique est plus bas (79 % dans la tranche de revenu la moins élevée et 77 % pour les personnes n’ayant pas suivi des études postsecondaires). Il s’agit des taux de fréquentation les plus élevés jamais rapportés par le Sondage sur l’accès et la disponibilité (un sondage cyclique qui a été mené en 2012, 2007 et 2001).

Toutefois, certains diffuseurs pluridisciplinaires pourraient, selon le type de lieux qu’ils exploitent, ne pas avoir vu leurs ventes de billets s’améliorer. Au contraire.

 

Pour plus d’informations sur ce graphique, consultez le Sondage sur l’accès et la disponibilité.
Lieux des spectacles ou événements auxquels les répondants ont assisté au cours des 12 derniers mois.

 

Cliquez sur l’image pour l’agrandir. Pour plus d’informations sur ce tableau, consultez le Sondage sur l’accès et la disponibilité.
Lieux des spectacles auxquels les répondants ont assisté - Tendances 2012-2017

Selon le Sondage sur l’accès et la disponibilité, les personnes culturellement actives assistent à des spectacles dans toutes sortes de lieux différents : des bibliothèques, des écoles, des cafés, des boîtes de nuit, des centres commerciaux, des résidences privées et même (assez souvent d’ailleurs) à l’extérieur, en plein air. Ainsi que nous le mentionnions dans un article précédent, il est particulièrement courant chez les Canadiens de moins 25 ans de fréquenter plusieurs lieux différents. Par ailleurs, l’assistance à des événements dans la majorité des lieux indiqués augmente avec le niveau de scolarité; la seule exception étant l’assistance à des événements ayant lieu dans des centres commerciaux ou services de transport en commun qui est plus élevée chez les personnes n’ayant pas suivi des études postsecondaires (18 %).

Si l’on se rapporte à l’édition 2012 du sondage, les Canadiens sont demeurés fidèles à la plupart des types d’établissements. Sauf deux exceptions : le taux de fréquentation des « installation destinée aux arts de la scène » (comme un théâtre ou une salle de concert) a chuté de 71 à 60 % et le taux de fréquentation des centres communautaires ou culturels a chuté de 53 à 43 %. Ce sont là des diminutions importantes qui ne devraient laisser personne indifférent.

En outre, on observe notamment que l’assistance à un événement artistique dans une salle de spectacle fluctue avec le revenu du ménage (allant de 46 % pour les personnes ayant un revenu inférieur à 40 000 dollars à 71 % pour les personnes ayant un revenu supérieur à 100 000 $). La fréquentation des salles de spectacle est aussi liée à l’importance que les répondants accordent à ces événements artistiques pour leur qualité de vie et celle de leur famille (allant de 33 % auprès des répondants qui estiment que ces événements ne sont pas du tout importants à 72 % chez celles et ceux qui les trouvent très importants).

La forte corrélation entre la fréquentation des salles de spectacle et le revenu porte à plusieurs interprétations. Premièrement, on peut y voir un indicateur d’élasticité de la demande : plus le prix du billet augmente, plus le nombre d’acheteurs potentiels diminue. Deuxièmement,  on peut formuler l’hypothèse qu’il y a des paliers ou des seuils dans le revenu disponible en dessous desquels l’achat d’un billet de spectacle en salle devient tout simplement inabordable (possiblement sous l’effet combiné du ratio d’endettement des ménages, qui a atteint un sommet en 2017). En effet, le tableau ci-bas montre que le taux de fréquentation chute sous la barre des 40 000 $ de revenu annuel et repart en hausse au-delà des 100 000 $. Ainsi que le soulignait un article précédent, l’Indice canadien du mieux-être a beaucoup périclité en raison des écarts croissants de revenu. Sans vouloir positionner l’enjeu de la fréquentation dans le spectre des iniquités de revenu, force est d’admettre qu’il y a un lien entre les deux.

Fréquentation des salles de spectacle et revenu

Revenu du ménage < 40 000$ 40 – 80 000$ 80 – 100 000$ 100 000$ +
A assisté à au moins un spectacle dans une installation destinée aux arts de la scène au cours des 12 derniers mois  46 %  58 %  62 %  71 %

Source : Groupe de recherche Environics, Les arts et le patrimoine : Sondage sur l’accès et la disponibilité 2016-2017.

En ce qui concerne le lien entre la fréquentation des salles de spectacle et le niveau d’importance accordé aux arts pour la qualité de vie, cela porte à croire que des problèmes de perception et d’attitude sont toujours en jeu. Malgré tous nous efforts pour faire valoir l’importance de la diffusion des arts vivants dans la société, celle-ci n’est toujours pas considérée comme un déterminant du mieux-être dans nos politiques publiques. Par exemple, le budget fédéral 2018 a reconnu l’importance de l’activité physique pour la santé et le bien-être en accordant des fonds à Participaction et en soutenant l’activité sportive chez les femmes. Mais il n’a pas répondu aux demandes sectorielles pour un investissement dans la diffusion, même si l’argumentaire du secteur soulignait les liens entre la fréquentation des arts et le mieux-être. De même, le gouvernement du Québec a récemment dévoilé les détails d’une politique de prévention en santé. Cette politique identifie plusieurs cibles pour favoriser des habitudes de vie plus saines et plus actives, mais la participation culturelle n’en fait pas partie. Sachant qu’il existe aujourd’hui une foule de données probantes sur les arts et la santé, les gouvernements ne devraient plus avoir à trancher entre le sport et les arts lorsqu’il est question de promotion de la santé. Les deux sont importants et méritent d’être appréciés comme tels.

Finalement, indépendamment des indicateurs du Sondage sur l’accès et la disponibilité, nous devons admettre l’existence d’enjeux de découvrabilité. De tous les types d’installations énumérées dans le sondage, la salle de spectacle ressort du lot de par le caractère très spécifique de sa fonction. En effet, les théâtres et les salles de concerts sont des lieux très spécialisés qui servent à peu près exclusivement à présenter des spectacles. Ils ne sont que rarement visités par le public sinon que pour assister à un spectacle ou participer à un événement privé. Par conséquent, les salles de spectacles ne profitent pas des occasions de découvrabilité propres aux lieux plus polyvalents ou plus ouverts sur le public : la publicité sur place (par exemple, une bibliothèque qui diffuse de la publicité sur sa propre programmation d’événements artistiques et littéraires), le bouche à oreille de clients réguliers (par exemple, un fidèle client d’un café qui invitent ses amis à l’y accompagner pour assister à un spectacle occasionnel d’un chansonnier) ou encore les rencontres fortuites (par exemple, le passant qui s’arrête pour profiter d’un spectacle in situ dans une station de métro). Ce genre de déficit requière une certaine réinvention du modèle social, comme il est mentionné dans le rapport Signes vitaux : arts et appartenance. De plus, même si les salles de spectacles sont physiquement imposantes, elles demeurent trop souvent invisibles aux outils numériques de recherches et de recommandations car les algorithmes et l’intelligence artificielle ne peuvent décrypter le sens d’un événement artistique que si celui-ci a été publié dans l’univers numérique avec les bonnes balises sémantiques. Ce déficit de découvrabilité numérique requière de nouvelles stratégies de métadonnées, tel que recommandé dans La numérisation des arts du spectacle.

Il y a une foule d’autres informations dans le Sondage sur l’accès et la disponibilité. Nous avons mis à jour notre page de données statistiques pour en tenir compte. Nous vous encourageons aussi à explorer les tables de données, dans lesquels vous trouverez une ventilation des résultats par province.

Source

Groupe de recherche Environics, Les arts et le patrimoine : Sondage sur l’accès et la disponibilité 2016-2017, préparé pour Patrimoine canadien et le Conseil des arts du Canada, 2017.

 

Frédéric Julien
Directeur, recherche et développement
CAPACOA

 

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