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Regard sur… Crazy Smooth

Crazy Smooth debout devant un mur de pierre, regardant au loin.
Crazy Smooth. Mention de source : Becki Peckham (Bold Creative)

Bienvenue à Regard sur, où nous mettons en vedette certains de nos membres extraordinaires !

Cette fois, nous vous présentons Crazy Smooth, l’un des principaux ambassadeurs de la danse de rue au Canada, danseur et chorégraphe, enseignant recherché, juge et leader communautaire. Il est le fondateur et le directeur artistique de Bboyizm, une compagnie de danse primée qui contribue à la préservation et à la prolifération de la danse de rue au Canada et sur la scène internationale.

Smooth a fondé Bboyizm en 2004 et la compagnie a réussi à introduire la danse de rue authentique dans le milieu du théâtre professionnel. Quatre de ses créations intégrales – The Evolution of B-boying, IZM, Music Creates Opportunity et In My Body – ont été présentées en tournée à travers le Canada.

Crazy Smooth a remporté le prix Clifford-E.-Lee en chorégraphie du Centre des arts et de la créativité de Banff en 2020 pour son œuvre In My Body, dans le cadre d’une résidence longue durée (2019-2022) au Centre de Création O Vertigo, à Montréal. Le projet a reçu une subvention du Fonds de création de CanDanse et un investissement considérable du Fonds national de création du CNA.

In My Body a remporté quatre prix Dora 2022 : Spectacle exceptionnel pour sa co-présentation par Canadian Stage, danceImmersion et TO Live ; chorégraphie originale exceptionnelle (Crazy Smooth) ; interprétation exceptionnelle d’un ensemble (Bboyizm Company Dancers) ; et réalisation exceptionnelle en design (conception multimédia/vidéo, Thomas Payette). Crazy Smooth a également remporté le prix de l’artiste itinérant de l’année de l’Atlantic Presenters Association (2013) et de l’Ontario Presenters Network (2012).

Crazy Smooth s’est produit, a enseigné, entraîné et jugé des compétitions et des événements dans des villes à travers l’Amérique du Nord et l’Europe.

Nous nous sommes récemment connectés avec Crazy Smooth pour en savoir plus et découvrir ce qu’il fait maintenant !

Artiste

Crazy Smooth

Danseur et chorégraphe

Né à : Cotonou, Benin

Basé à : Gatineau, Québec

Site web :

Identifiant Wikidata : Q116220681

Identifiant Artsdata : K2-273


Parlez-nous un peu de vous-même et de Bboyizm.

Je suis le fils de deux parents immigrants (du Bénin) et nous sommes arrivés au Canada quand j’avais 4 ans. Nous sommes devenus des réfugiés politiques. Le but d’être au Canada était de bénéficier d’une chance, d’une opportunité pour une nouvelle vie. La danse ne faisait pas nécessairement partie du plan.

Il n’y avait pas beaucoup d’immigrants à l’école primaire et au niveau secondaire, mais nous étions tous ensemble. Ils étaient mes amis. Nous vivions tous dans cette dualité de culture. Quand nous allions à l’école, nous étions au Canada. Quand nous rentrions chez nous après l’école, nous étions dans nos pays d’origine. On se sentait aussi très à l’aise avec le hip-hop et tous les éléments de la culture.

Mes premiers souvenirs de la danse remontent à l’époque où je regardais les vidéos de Michael Jackson quand j’étais jeune. Je trouvais que les monstres qui dansaient dans Thriller étaient cool ! Mais je n’étais pas un « danseur », à l’exception du fait que je sautais partout. La danse a vraiment commencé pour moi au secondaire. Je me souviens qu’il y avait des cercles de danse lors des bals de l’école, et que j’étais timide mais excitée à l’idée d’aller danser. Nous pratiquions dans mon sous-sol et dans celui de mes amis, et nous regardions des vidéos en essayant de copier la chorégraphie.

Au moment où je terminais le secondaire et entrais au collège, j’ai été à New York avec un ami, où nous avons vu les danses de rue que nous avions l’habitude de regarder dans les films, mais dans la vraie vie. J’ai aussi vu que bien que ce soit une danse, c’était aussi une culture. Il y avait tellement de choses à apprendre. La profondeur de l’ensemble m’a vraiment accroché ! Je m’entraînais en moyenne 5 à 6 heures par jour, tout en étudiant la danse et en nouant des liens avec des gens qui connaissent des gens, qui connaissent d’autres gens… En tant que b-boy, c’est ça mon histoire.

Mais il y a un autre domaine de la danse dont je ne faisais pas nécessairement partie : le monde des arts du spectacle et du théâtre.

J’habitais dans la région d’Ottawa et j’allais souvent voir des spectacles au Centre national des Arts. À une époque, je voyais beaucoup de spectacles de danse contemporaine très influencés par la danse de rue, où les danseurs copiaient parfois carrément ce que nous faisions. Je me disais : « Nous pouvons exister sur scène sans rien diluer. On peut rester authentiques ». J’ai ensuite lancé Bboyizm officiellement en 2004. À l’époque, je faisais déjà des spectacles et des festivals, mais nous n’étions pas nécessairement actifs dans le monde de la diffusion et du théâtre de la même manière.

En 2009-2010, nous avons eu une opportunité passionnante, grâce à Brian Webb (directeur artistique du Festival Danse Canada à l’époque) qui a lancé l’initiative Hip Hop 360 dont je faisais partie du comité directeur. Il nous a donné, à moi et à ma compagnie, l’occasion de monter sur scène, avec la promesse que si tout se passait bien, il nous accorderait un créneau officiel de 30 minutes au festival. C’est ce qui s’est passé, et le reste fait partie de l’histoire !

Qui et/ou qu’est-ce qui vous inspire ?

Dans la vie, ce sont mes parents qui m’inspirent. Ils m’ont élevé de manière à ce que l’amour, le travail acharné et le désir d’être le meilleur possible soient présents dans tout ce que je fais.

Lorsqu’il s’agit de la création et de l’art, je parle ou réfléchis toujours à ce qui se passe dans mon esprit en ce moment. Je vais utiliser la trajectoire de certains de mes projets pour l’illustrer.

Quand je vivais à New York en 2006, j’avais un mentor qui… Je ne peux pas mettre de mots sur ce qu’il m’a appris et comment il l’a fait. Mais quand je suis revenu au Canada et que j’essayais d’expliquer ce que j’avais vécu, je n’avais pas de mots pour le décrire, mais j’avais des sons. Il avait son propre vocabulaire.

Crazy Smooth dancing in front of a graffiti wall.

C’est pourquoi la compagnie s’appelle Bboyizm. C’est ça ma définition de « izm ». Ce n’est pas une chose tangible. C’est quelque chose auquel on aspire – c’est un état d’être. Et quand on y aspire, on ne l’obtient pas forcément toujours.

Par exemple, un musicien a son instrument, il a ses notes et il joue. À un moment donné, tu réalises que tu ne lis plus les notes – tu vis le moment présent. Et puis, dès que tu t’en rends compte, ça disparaît. Pour un danseur, l’izm est presque comme l’instrument de mesure d’excellence, d’une certaine manière. Deux danseurs font exactement la même chose, mais pourquoi aimes-tu davantage l’un d’entre eux ? C’est parce qu’il a le “izm”. Pour moi, c’est ce qui définit la danse de rue.

C’est aussi la source d’inspiration de mon œuvre IZM de 2010. C’était l’occasion de montrer qui j’étais et ce que [Bboyizm] fait ici au Canada. Les personnes marginalisées ont besoin de cela pour se faire connaître. Une occasion de dire « On ne danse pas ou ne bouge pas comme vous, et c’est correct ».

Music Creates Opportunity était mon deuxième projet. Je cherchais à comprendre ce que nous faisons en termes de danse, et comment la musique (le rythme) est au centre de ce que nous faisons. Je voulais explorer les différentes possibilités qu’offre la musique. Il peut s’agir d’un conflit, de l’expression d’une joie ou de la manière dont nous nous influençons les uns les autres (lorsque cette personne est autour de moi, je danse comme ceci).

J’étais également fasciné par la danse contact improvisation et par la découverte du milieu des arts de la scène. J’ai commencé à réaliser que les choses que nous faisons sur scène n’appartiennent à personne ni à aucun style ; ce ne sont que des outils. J’ai appris à prendre ces outils et à me les approprier. Ma fascination pour le contact improvisation tient en partie au fait que le centre est le corps/mouvement, et non la musique ; la musique est plutôt en arrière-plan. J’ai exploré un peu plus ce concept et comment il pouvait s’appliquer à nous (Bboyizm), alors que la base de ce que nous faisons est ancrée dans la musique. J’ai exploré ce que j’appelle le “contact rythmique”.

Au cours des années, j’ai subi de nombreuses blessures et quatre opérations du genou. Mon corps me parle depuis plus de dix ans. Mon dernier œuvre, intitulé In My Body, parle donc du vieillissement en tant que danseur de rue. Je ne suis plus jeune, mais je ne suis pas vieux – je suis au milieu. Je regarde à ma gauche et je vois les jeunes et les possibilités qui s’offrent aux jeunes danseurs d’aujourd’hui. Mais ensuite, je regarde à ma droite et je vois mes aînés, et je pense à l’avenir qui nous attend.

Le concept de In My Body découle de ma réalité actuelle.

In My Body (2022) – Official teaser / teaser officiel from Centre de Création O Vertigo on Vimeo.

Comment avez-vous découvert CAPACOA ?

C’est intéressant ! Je vais remonter à 2009-2010, au temps où l’on m’a présenté les possibilités du Festival Danse Canada.

À l’époque, je me disais : « Je ne viens pas de ce monde, mais je connais mon travail, et je sais qu’il va être bon. » Je présente le projet au festival. Ça finit par bien se passer, et les gens veulent le spectacle ! Cela dit, je ne savais pas comment diffuser mon spectacle au public et comment le préparer pour une tournée. J’ai alors fait quelques recherches et j’ai participé à un atelier sur les tournées à Toronto, dirigé par Judy Harquail (consultante et stratège en développement de Marché international de CAPACOA). J’ai rencontré beaucoup de gens à cet atelier. Nous étions répartis en groupes pour faire des exercices de simulation et nous avons fini par utiliser IZM comme exemple puisque je venais de le présenter. Je me suis retrouvé dans un groupe avec Gillian Reid (membre du conseil d’administration de CAPACOA).

Peu de temps après, avec Gillian, nous avons participé à la conférence de CAPACOA à Ottawa. Judy, qui était également présente, s’est dit que nous devrions travailler ensemble et nous a donc jumelées. C’est à ce moment-là que j’ai établi ma connexion avec Gillian, qui est devenue ma gestionnaire/agente (et l’est encore aujourd’hui).

En tant que membre de l’une des cohortes internationales virtuelles de CAPACOA (Colombie-Canada), pouvez-vous nous en dire plus sur l’impact de votre participation à nos activités de développement des marchés internationaux (DMI) ?

Pour moi, cela comporte deux aspects.

Sur le plan personnel, les cohortes internationales ont servi de thérapie. Je ne peux pas vous dire combien cela a été important pour moi. Nous étions tous confrontés à des inquiétudes liées à la pandémie, et notre identité d’artiste ou de travailleur du secteur artistique était en jeu. Les activités du DMI m’ont vraiment procuré un sentiment de connexion et de soutien, même simplement pour parler de ce qui se passait dans nos coins respectifs. Pour moi, la cohorte a été un élément majeur qui m’a permis de rester en vie pendant cette période.

Sur le plan professionnel, j’ai trouvé plutôt génial que les premières réunions de la cohorte se soient déroulées entre diffuseurs. D’après mon expérience, si vous essayez de faire avancer un projet, il n’y a rien de mieux qu’un diffuseur qui parle à un autre diffuseur de quelque chose qu’ils ont aimé. Après cela, Brendan Healy (Canadian Stage), qui avait déjà présenté In My Body, a proposé mon nom pour participer à la cohorte. J’ai ensuite été jumelé avec la Colombie et j’ai participé à des réunions bihebdomadaires.

Ce fut le début de mes conversations et de l’établissement de relations avec mes collègues artistes et diffuseurs. Grâce à ma participation à la cohorte, j’ai pu rencontrer un homme du nom de Juan Pablo, directeur artistique de la Bienal Internacional de Danza de Cali (Colombie), qui m’a invité à prendre part à l’un de leurs programmes de résidence. À l’été 2022, j’ai eu l’occasion de rencontrer (en personne) Juan ainsi que Shoshana Polanco, spécialiste de l’Amérique latine pour l’initiative DMI. Non seulement ai-je pu aller en Colombie, mais Shoshana m’a également offert la possibilité d’aller en Argentine, ce qui en fait un voyage d’un mois.

Tout cela est un résultat direct de l’initiative et des relations qui ont été cultivées sur une période de deux ans.

Avez-vous quelque chose à dire à d’autres artistes qui souhaiteraient participer à l’une de nos activités numériques et/ou devenir membre de CAPACOA ?

Il est important pour les artistes de se rappeler que ces choses ne se font pas du jour au lendemain. Il existe de nombreuses initiatives différentes, comme les Studio Visits, qui apportent de la cohérence. Que ce soit tous les mois ou toutes les deux semaines, tu commences à reconnaître des visages. C’est ce que je voulais dire par l’établissement de connexions. Lorsque tu vois quelqu’un régulièrement et qu’une occasion se présente, il est en mesure de te demander : « Que pensez-vous de l’artiste du Studio Visit ? » ou « celui dont les présentateurs canadiens et colombiens ont parlé ? ».

Il est également important de comprendre le rôle de CAPACOA (en tant qu’organisme de service). Cela signifie qu’ils ne vont pas tout faire pour vous. Il s’agit de vous donner l’occasion de prendre part aux conversations. Afin d’en bénéficier, vous devez être un participant actif. Plus vous serez actif au sein de l’organisation, plus vous en profiterez.

Une fois que vous faites cela, vous ne savez jamais quand les choses vont se produire !

Qu’est-ce qui s’en vient ?

Grâce au temps que j’ai passé avec la cohorte, je n’ai cessé de rédiger des demandes de subvention pour des projets à venir. L’un d’eux concerne notre toute première tournée internationale, qui aura lieu à la fin du mois d’octobre/au début du mois de novembre 2023. Nous allons nous rendre au Mexique, en Colombie et en Équateur.

Je suis également sur le point de terminer une nouvelle création qui est complètement différente. C’est du théâtre interactif. Puis, à la fin du mois de février, nous repartons en tournée avec In My Body et nous nous rendrons à St. Albert (AB), Vernon (C.-B.), Vancouver (C.-B.) et à l’Île-du-Prince-Édouard.

Quelles sont vos dernières remarques ?

La seule chose que je voudrais dire est : merci. Merci à CAPACOA, et à ceux qui ont lancé ces initiatives. Les bienfaits ont été incroyables !

Veuillez noter que cette entrevue a été modifiée pour des raisons de longueur et de clarté.


Merci à Crazy Smooth de nous avoir parlé !

Retrouvez ici nos anciens reportages Regard sur….

Si vous êtes membre de CAPACOA et vous aimeriez figurer dans Regard sur…, veuillez envoyer un courriel au directeur de la communication à colin.frotten@capacoa.ca pour plus de détails.

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