Depuis le début des interdictions de rassemblements, plusieurs diffuseurs de séries de spectacles ont choisi de reporter leurs événements plutôt que de les annuler. Si le report semble le moindre mal, il comporte néanmoins son lot de désavantages.
Selon un sondage mené lors d’une rencontre en ligne le 14 avril, 60 % des diffuseurs participants (21 sur 35) ont rapporté avoir reporté de 81 à 100 % de leur spectacles qui devaient avoir lieu entre le 12 mars et le 14 avril 2020.
Ce reports doivent maintenant être reprogrammés et cela prends du temps. Environ un diffuseur sur deux n’a pas été en mesure de reprogrammer plus de 20 % des spectacles reportés. Les diffuseurs disent par ailleurs que les dates des spectacles reportés sont repoussées à la fin de la saison 2020-2021 et dans la saison 2021-2022.
Le report de spectacles permet à un organisme de diffusion de préserver leurs revenus de billetterie et aussi de couvrir leur dépenses de marketing et de billetterie encourues jusqu’au moment du report. En dépit de ces avantages administratifs immédiats, il faut bien admettre que les reports et les annulations représentent tous les deux des pertes de revenus pour l’ensemble de la chaîne du spectacle. Il n’y a qu’un nombre limité de dates de spectacle dans un calendrier. Lorsqu’un spectacle est reporté, il se trouvera inévitablement à occuper une date de calendrier qui, du coup, ne sera pas celle d’un autre spectacle. Les recettes des billets déjà vendus sont préservées mais ça veut aussi dire que ces même billets ne pourront être remis en vente lorsque le spectacle aura été reprogrammé quelque part en 2021. Peu importe de quel angle on regarde la situation, le report est en définitive est un peu comme « déshabiller Pierre pour habiller Paul ».
De fait, plusieurs agents d’artistes ont rapporté de leur côté que les reports ont un « effet domino » pervers : afin de faire de la place dans leur calendrier pour les spectacles reportés, des diffuseurs se trouvent parfois forcés de revenir sur leurs engagement verbaux et d’annuler un spectacle pour lequel le contrat n’était pas encore signé. Ces annulations secondaires sont un réel problème pour les agents de tournée et les artistes qu’ils représentent. Les tournées impliquent de nombreuses dépenses. Sans un nombre minimum de représentations, elles n’atteignent pas le seuil de rentabilité. L’annulation d’une seule date dans un calendrier de tournée peut donc suffire à la rendre déficitaire et à forcer l’annulation du reste de la tournée. C’est un scénario catastrophe pour un agent de tournée. Tous les efforts de représentation et de coordination sont alors entièrement gaspillés sans générer aucun revenu ni pour l’agence, ni pour l’artiste.
Par ailleurs, si les recettes de billetterie d’un spectacle reporté peuvent répondre à des besoins immédiats de trésorerie, elles doivent être gérées avec prudence. Sur le plan comptable, elles constituent un passif en vue du spectacle qui devra éventuellement être reprogrammé – surtout si ce spectacle est reprogrammé dans un autre exercice financier.
En bout de ligne, peu importe l’angle sous lequel on examine la situation, un report demeure une perte pour l’ensemble des acteurs de la chaîne du spectacle : pour les placiers et les techniciens qui ont perdu un quart de travail, pour les agents de tournée et pour les artistes.
La pandémie de COVID-19 apporte son lot quotidien de perturbations et de réponses des gouvernements. Diffuseurs, agents et artistes tâchent tous de s’y retrouver et de s’adapter à une nouvelle réalité que nous peinons à saisir, tant elle évolue rapidement. C’est pourquoi CAPACOA a entrepris de documenter l’état changeant de la situation, telle que vous nous la rapportez lors de nos rassemblement en ligne. Nous publierons ainsi sur une base hebdomadaire les chroniques d’une pandémie dans les arts de la scène.